Rencontres de Bamako 14

Une biennale historique sur le continent africain, un événement d’envergure internationale

16 novembre 2024 – 16 janvier 2025

La Parole comme thématique

On demanda à la parole si elle a un maître.
La parole répondit : mon maître se nomme la mémoire ;
Mon mérite, c’est la mémoire avec qui je vais de pair ;
C’est mon acolyte et mon compagnon !
Seuls ceux qui ont la mémoire comme compagnon
méritent de détenir la parole.
Ils seront dignes de reconnaissance.
Et ceux qui n’ont pas de mémoire
ne méritent pas de prendre la parole.
Car leurs paroles seront insensées et irrespectueuses

La parole d’après le Griot Bourama Soumano. Interview en bamanankan réalisée par Igo Diarra dans la famille Niaré (famille fondatrice de Bamako). Transcription et traduction : Pr Oumar Kamara Ka

La photographie, par essence, est un art muet. Silencieusement, elle fait appel à nos sens visuels. 

Choisir Kuma, la Parole, comme thème de la 14e édition des Rencontres de Bamako / Biennale Africaine de la Photographie peut paraître étrange, mais c’est ­justement dans ce paradoxe que réside l’intérêt. Il s’agit, pour les artistes, d’explorer de nouvelles formes, d’expérimenter des dialogues entre le verbe et l’image, de faire ­exister plastiquement les moments de prise de parole, d’éloquence, de colère, mais aussi d’espoir, de recueillement, de silence, de ­cacophonie et de bruit.

La parole sous toutes ses formes, la parole donnée, la parole chuchotée, la grande parole, la petite parole, la nouvelle parole, l’ancienne parole. La parole dite, la parole écrite, la parole déclamée, la parole contée, la parole chantée, la parole rappée, la parole slamée.

Peut-on “écouter” de la photographie ?

On peut raconter mille histoires par une photo. Transmettre des émotions, des idées et des messages par la seule force de l’instant capturé, du cadrage, de la lumière ou de la mise en scène. Les photographes ont le pouvoir de ­“faire parler” une image grâce à ce génie.

Par ailleurs ne cherchons pas à opposer parole et image. C’est en réalité un dialogue constant entre les deux formes d’expression. La parole peut être utilisée pour décrire une photographie, lui donner un contexte. De même, une photographie peut illustrer ou renforcer les mots, en capturant un moment précis qui appuie le message verbal. 

La photographie est parlante en faisant revivre le passé. 

Pour l’éternité, elle reste la mémoire d’un instant, d’une époque, d’un geste et le témoin d’un présent qui se conjugue au futur.

Parfois ce sont les gestes qui parlent
et le silence devient engagé…

Pour l’anniversaire des 30 ans de la Biennale, penchons-nous sur les représentations de la parole photographique. 

Il s’agit ici d’une invitation aux photographes, vidéastes, sound-artistes, plasticiens, penseurs, écrivains, chercheurs, ­commissaires, à réfléchir sur la quintessence des idées profondes de la parole ou de la non-parole. 

Y a-t-il des mots qui vous ont marqué ? une parole ? un silence ? un bruit ? 

Visualisez ces instants – leur beauté, leur profondeur, captez les signes qu’ils révèlent.

Dans notre réalité contemporaine où les médias et les organes d’information brassent une quantité infinie de paroles, de messages sonores ou écrits quasi anonymes qui circulent sans interruption et en constante prolifération sur les réseaux sociaux mondiaux, mêlant vérités et mensonges, usant de paroles vraies sur images fausses et vice versa, pour servir des propagandes inquiétantes, des théories du complot, des publicités ou par simple désir de jeu ou de faire-valoir personnel des émetteurs, comment faire entendre sa parole ? Quel regard poser sur cette cacophonie ?

Face au défi de l’intelligence artificielle, qu’en sera-t-il des intelligences africaines ? 

À l’effacement de toutes frontières entre réel et virtuel, quelle place reste-t-il encore à la photographie ? 

Quel « angle » et « point de vue » adopter ?

Aujourd’hui, des voix nouvelles surgissent du ‘’Tout-Monde’’. 

Changement de parole ou changement climatique. 

La nature nous presse de faire entendre sa parole.

Émerveillons-nous ! 

Questionnons-nous par un nouveau discours ­novateur et singulier, collectif ou personnel qui défende les ­aspirations des générations à venir … 

Le monde est bruissements

silence !

Salif Keita

Ambassadeur de la 14e édition

Ayé
Ayé
Ayé

La parole bouillonne en moi comme l’eau dans la marmite sur le feu.
Chœur: Le Maître de la parole est arrivé, il est arrivé.
Parler est un art qui s’apprend,
On ne l’acquiert qu’auprès d’un maître.
Parler est un art qui s’apprend,
Est impopulaire celui qui dit la vérité .
Parler est un art qui s’apprend,
Demandez-le aux avocats!
Je suis allé chez les gens de la parole {jeli]
Je n’ai pas pu m’asseoir parmi eux.
Je crains de les offenser
Car celui qui n’a pas de sang [jeli] ne peut survivre.
Je suis allé chez les Fina
Là non plus, je n’ai pas trouvé où m’asseoir.
J’ai eu peur de m’asseoir car les Fina sont originairesde la Mecque
et que je ne veux pas être interdit de pèlerinage
Je suis allé chez les forgerons, et chez eux non plus,
Je n’ai pu demeurer.
J’ai eu peur de déplaire aux maîtres de la forge,
les détenteurs de la magie puissante.
Ayé, ayé, ayé
La parole bouillonne en moi comme l’eau dans la marmite sur le feu .
Chœur: Le Maître de la parole est arrivé, il est arrivé.
À qui faut-il le demander ?
A ceux qui sont dans les rizières car moi, je ne me prononce pas.
A qui faut-il le demander ?
À ceux qui sont sous l’arbre à palabres ?
À qui faut-il le demander ?
À ceux qui sont dans les bureaux ?
Venez-moi en aide !
Il me faut quelques sous pour acheter la cola de la colère.
La colère sourd en moi car toute parole attend son heure pour être dite.
Méfie-toi des maîtres de la parole
Ils sont de redoutables avocats.
Retiens ta langue, retiens ta langue.
La mort n’épargne aucun vivant; Siramory de Kéla s’en est allée.
Le barde vénéré des Maliens, Bazoumana, a disparu.
Rendons hommage à Kandia, le maître de la parole
Il repose sous la terre maintenant.
Méfiez-vous des gens de la parole
Ce sont de formidables avocats.

Paroles extraites de la chanson “Kuma” 

L’équipe curatoriale

Lassana Igo Diarra (Mali)
Commissaire général &
directeur artistique 

Nadine Hounkpatin (Benin)
Commissaire

Manthia Diawara (Mali)
Commissaire

Dana Whabira (Zimbabwe)
Commissaire

Oyindamola (Fakeye) Faithfull (Nigeria)
Commissaire

Patrick Mudekereza (RDC)
Commissaire

Scénographie

Ramos Castellano Arquitectos (Cap Vert)

Au programme

La Panafricaine (exposition issue de la sélection des  artistes de l’appel à projets)

Célébration des 30 ans des Rencontres de Bamako

Bamako Dreams 30
(de 1994 à 2024) avec 30 Artistes

Catalogue historique des 30 ans

Les conversations curatoriales des debuts à nos jours

Studios d’Afrique des grands photographes africains ouvrent des studios photo éphémères dans Bamako

Légendes du Mali

Les inédits de Malick Sidibé, le centenaire de Seydou Keita, Felix Dillo à Kita, Sakaly ­Adama Kouyaté à Segou

Célébration du centenaire d’Amilcar Cabral

The Silent Room
photographie en mouvement – du silence au verbe

100 ans à Niaréla
exposition dans la famille Niaré fondatrice de Bamako

Kuma Art Radio
podcasts et programmes radio du continent complétés d’une exposition radiophonique

Angela Davis: a Word of Greater Freedom
de Manthia Diawara

Love speaks d’une afrique à l’autre, l’amour parle un langage qui transcende la cacophonie des stéréotypes

La bibliothèque de l’oralité : “les livres inouïs”, les livres sonores et la sonorité dans les livres, les “bibliothèques invisibles”

1946
: les premières voix panafricaines après la 2e guerre mondiale

Ghana – Guinée – Mali : dans un contexte contemporain, une création sur l’histoire des espaces d unification en Afrique

Secrets
de Françoise Huguier

The Romance of Freedom
: l’art photographique de Robert Sengstacke